Je ne suis pas une femme potomitan, je suis une boss lady

Written by on 15 janvier 2017

Cette plateforme, “Caribbean Boss Lady”, est un manifeste vivant pour les femmes caribéennes qui veulent dépasser la condition de “potomitan” pour s’affirmer “boss ladies”.

Je déclare qu’il est temps d’en finir avec cette auto-flagellation toute caribéenne de “fanm potomitan”, c’est-à-dire de femme qui assume tout, toute seule dans le foyer, dans la vie professionnelle, partout à vrai dire, et en tire un certain satisfecit martyrisant socialement construit par des hommes et que nous avons intégré, sans pour autant que cela ne nous grandisse ni ne nous valorise.
CBL s’adresse non seulement à toutes ces femmes caribéennes qui font le job à tous les niveaux, et méritent donc notre respect, mais aussi à tous ceux qui veulent comprendre ce que c’est vraiment qu’être une “boss lady” dans la Caraïbe.

Boss Lady ? C’est un terme de plus en plus utilisé sur la toile pour désigner la femme en position de leadership, qui inspire, qui fait le job, qui n’abandonne jamais, qui a toujours le contrôle et qui sait ce qu’elle fait. Une femme qui déploie des stratégies construites afin d’atteindre des buts professionnels. Une femme qui sait aussi être une source d’inspiration pour les autres femmes, en partageant son expérience et ses conseils, de façon bienveillante. Une femme qui mérite le respect et qui inspire le respect à ses semblables. Et, par-dessus tout, une femme qui assume son leadership et ne s’en excuse pas.

Voilà donc une définition très positive que je préfère à la “potomitan”, car elle véhicule en elle une certaine idée de progrès, très dynamique et puissante, alors même que sociologiquement et historiquement “potomitan” nous renvoie à tant de faiblesses, de compromissions, d’errance sociale et sentimentale, de dépendance au statut de mère-seule-qui-assure-tout-toute-seule…

Valoriser, accompagner et inspirer les femmes caribéennes

Me lancer dans cette aventure de  pour valoriser, conseiller, et accompagner des femmes caribéennes entrepreneures, leaders, des “boss ladies”, ou des femmes qui aspirent à être tout cela, est une suite logique à toutes mes activités et mes vies antérieures. Tout cela répond aussi au désir profond, à la nécessité même, pour moi, de faire quelque chose qui a du sens et une valeur qui correspond à ma vision de la vie et à mon idéal caribéen.
Et à vrai dire, aujourd’hui, c’est un projet qui est devenu plus que jamais impérieux, alors que mes 33 ans approchent, que je viens de passer des années intenses à gagner de l’expérience et sur le plan professionnel, et aussi à un niveau personnel et intersubjectif.

En effet, au sein de mon cabinet de consulting en communication et gestion de crise, j’ai accompagné nombre de clients, dont des femmes politiques ou chefs d’entreprises.
J’ai alors remarqué que ces femmes, qui accomplissent au jour le jour des choses extraordinaires pour leurs communautés,  du fait même qu’elles sont femmes, ont souvent tendance à se freiner ou à se laisser freiner dès lors qu’il s’agit pour elles d’affirmer leur leadership.

Briser le plafond de verre, même lorsque l’on est compétente, talentueuse, motivée et décidée, avec toutes les qualités possibles, ce n’est pas toujours évident.
Je me souviens qu’il y a 10 ans (je n’avais alors que 22 ans), avec quatre ans d’entreprenariat à mon actif, et des modèles familiaux de boss ladies ayant clairement contribué à façonner la jeune femme que j’étais et que je suis maintenant devenue, j’avais déjà cette folle idée d’un magazine dédié à l’entreprenariat féminin dans la Caraïbe.

J’avais déjà même un titre, et des noms de domaines achetés : “Caribbean Executive Women”. En tant que jeune entrepreneure à l’époque, je me suis heurtée à nombre d’obstacles; à commencer par mon manque d’expérience, des finances en-dessous du niveau de la mer, et un réseau que je n’avais pas encore commencé à construire suffisamment.
De plus, je me posais souvent les questions suivantes qui ont révoqué en doute cette entreprise: “Qu’ai-je déjà accompli pour oser m’adresser à ces femmes ?”, “Comment financer cette folie?”,  “Vais-je y arriver ?”, “Aurai-je le courage de mener à bien cette entreprise ?”, “Va-t-on me prendre au sérieux ?”…
Bref, une série de questions qui m’ont limitée à l’époque.
Bien sûr, mon attitude face à ces doutes ont aussi fait que Caribbean Executive Women n’a pas vu le jour. J’ai baissé les bras. Vite. Trop vite et trop facilement. Il faut dire aussi, que la dynamique de partage d’expérience et de réseautage n’était pas la même qu’aujourd’hui.
Et, par-dessus tout, je n’étais pas la même.

Aujourd’hui, 10 ans plus tard, avec une vie professionnelle riche qui n’a pas toujours suivi une ligne droite, avec ses détours, des sommets et des vallées, des coups pris, mais aussi des coups rendus au centuple et donnés quand il le fallait, des projets qui ont échoué, mais surtout de belles réussites, des amitiés professionnelles solides et respectueuses, un réseau à la hauteur de mes projets, j’ai gagné une formidable confiance en moi. Confiance qui me permet de connaître ma valeur et ce que je peux faire, et aussi quand demander de l’aide pour mieux avancer et apprendre encore et toujours.

Aujourd’hui, 10 ans plus tard, je suis riche de rencontres inspirantes, et j’ai pu apprendre aux côtés de mentors bienveillants. J’ai aussi su me détacher de personnes toxiques qui ne voyaient en moi qu’une source dans laquelle puiser sans cesse, sans un mot de reconnaissance.

Aujourd’hui, 10 ans plus tard, j’ai aussi appris que les autres femmes dont on s’entoure jouent un rôle fondamental dans notre réussite, même si on n’en a pas toujours conscience. J’ai choisi de garder toutes celles qui impactent ma vie positivement tout près de moi, et d’être aussi une source d’énergie positive pour elles : ma mère, mes grands-mères, ma sœur, ma meilleure amie-sœur Flossie, mon amie et co-auteure Mylène Colmar, et toutes ces autres amies professionnelles que je respecte et avec qui travailler et échanger en tant que femmes est un plaisir. Elles sont aujourd’hui ma « meute ». Une « meute » pour qui je peux sortir les crocs férocement, et qui, elle, est prête à se battre loyalement pour moi.

Aujourd’hui 10 ans plus tard, j’ai aussi compris que la personne qui partage votre vie peut ou vous ralentir ou contribuer pleinement à votre succès. Des relations amoureuses toxiques, épuisantes, aliénantes, j’ai donné, beaucoup. Trop même, dans ma vingtaine, et j’ai décidé que je ne m’y perdrais plus. Mais ce qu’il y a de positif dans de telles expériences, c’est qu’elles vous poussent vers vos dernières limites émotionnelles, voire même intellectuelles, et elles vous aident à grandir si vous savez écouter ce qu’elles ont à vous enseigner sur vous-mêmes.

Je suis tombée. Une fois, 10 fois, 20 fois, 100 fois, 777 fois et je me suis relevée 778 fois. L’essentiel est d’apprendre et de grandir ; toujours. Il n’y a pas d’erreurs, mais seulement des opportunités d’apprentissage. J’ai appris, et aujourd’hui je suis prête à transmettre ce que j’ai appris.

S’affirmer en tant que Boss Lady

Bien sûr, j’apprends encore tous les jours, j’ai encore du chemin à parcourir, et il y a encore tant d’aspects de la vie d’une boss lady que j’ai hâte de découvrir, grâce à toutes les femmes que je continue de rencontrer.
Ces rencontres, ces expériences, je veux les partager avec toutes les jeunes filles, toutes les femmes caribéennes pour aider à déconstruire ce mythe désormais dépassé – et qui nous freine –  de la femme “potomitan”.
Et pour ce faire, je ne m’imposerai aucun tabou, et je vous parlerai sans langue de bois afin de construire, ensemble, une haute et puissante idée de l’empowerment féminin dans notre Grande Caraïbe.

Un empowerment qui devra se traduire en actes, concrètement à travers des portraits de femmes que je dresserai, des interviews, des conseils pratiques, mais aussi des podcasts, et d’autres contenus exclusifs que je vous invite à découvrir à mesure que ce blog grandira.

Bien sûr, la geekette en moi aime l’idée d’une plateforme, mais j’aime aussi rencontrer In Real Life  toutes mes sources d’inspiration, alors je vous donne rendez-vous aussi très vite pour des événements Caribbean Boss Lady tout près de chez vous.

Nous sommes des héroïnes du quotidien. Des boss ladies. En avant !

 

 

Axelle Kaulanjan, 

Saint-Martin, le 15 janvier 2017