Corinne Thimodent-Nabal : «Avec GloaSanvé, je pense mes chaussures pour conquérir chaque jour»

Written by on 20 octobre 2018

Le 27 octobre prochain, Corinne Thimodent-Nabal, créatrice de la marque de maroquinerie GloaSanvé, « designed in Guadeloupe », organise la « Soirée Intimate », en partenariat avec le Golf International de Saint-François, le chef Arnaud Bloque, meilleur maître restaurateur de France 2018, et Caribbean Boss Lady. Une soirée exclusive, animée par Jordan Rizzi, durant laquelle une clientèle triée sur le volet se verra raconter la démarche de la marque ainsi que la nouvelle collection autour d’œuvres de Richard-Viktor Sainsily, et un show cooking tout en « passion et émotions » du chef Bloquel. Et pour couronner le tout, la chanteuse guadeloupéenne Florence Naprix se produira en quartet. 

GloaSanvé, plus qu’une marque, c’est l’histoire d’une femme guadeloupéenne, Corinne Thimodent-Nabal, riche de toutes ses origines multiples comme nous le sommes souvent chez nous, qui susurre un cri de puissance d’exister à la Guadeloupe et au monde : « Nous sommes capables. Nous ne sommes pas uniquement un comptoir de distribution où l’on ne nous demande pas de penser ni de produire, mais juste de consommer. Nous avons trop longtemps été entravés, et je pense mes chaussures pour conquérir chaque jour ! »

Le ton est donné, l’ambition est claire !

Lorsque l’on discute de GloaSanvé avec Corinne Thimodent-Nabal, très vite, l’évidence apparaît : par-delà les belles chaussures avec leurs talons montés à la cubaine et qui accentuent la solidité de l’allure des femmes caribéennes créoles, il y a une vision du monde qui se déploie et qui prend racine dans des petits détails qui pourraient paraître superficiels, mais qui font toute la différence, comme dans tout bon produit de luxe qui se respecte. 

Pour Corinne Thimodent-Nabal, il n’est pas question de faire comme toutes les marques : exister et être promues par l’affichage ostentatoire de leurs logos qui, dans la logique actuelle de notre monde de consommation, participe à la définition d’un individu et à son rattachement à un groupe. 

Avec GloaSanvé, l’ambition est, au contraire, d’être « une marque lifestyle qui accompagne les gens, les Guadeloupéens, dans ce qu’ils sont ». 

Le modèle-signature de GloaSanvé « Biguine »

Comment donc, lorsque l’on est sur un tel secteur, la maroquinerie de luxe, réussir ce pari ?

Pour comprendre la démarche, là encore, il faut écouter Corinne Thimodent-Nabal parler avec passion de son projet et de ce qui a présidé à l’avènement de sa marque : Il y a 10 ans, alors qu’elle commence à travailler sur un projet de valorisation de peaux des abattoirs à travers une micro-filière cuir made in Guadeloupe, celle qui se définit plus comme une « créative et non pas créatrice », a l’idée de lancer sa propre collection de chaussures et d’accessoires, « designed in Guadeloupe et fabriqués en Italie et au Brésil». Parce qu’il faut le souligner, le pays Guadeloupe, ses forces vives, la réussite collective chez nous, Corinne Thimodent-Nabal y croit fort malgré certaines déceptions et désillusions. C’est d’ailleurs ce qui frappe chez elle : cette capacité à avancer, à continuer à piétiner, jonchée sur ses talons GloaSanvé, les affres de la vie. 

GloaSanvé. Le nom est euphonique, mais quelle symbolique se cache donc derrière lui ? Question à poser absolument, car avec des « créatives » comme Corinne Thimodent-Nabal, tout a toujours un sens.

Gloa, nous explique-t-elle, c’est l’acronyme de « Greatest Love Of All » (Le plus grand des amours, ndlr), titre de ce hit de feue Whitney Houston qu’elle découvre un jour, petite, alors qu’elle joue avec le transistor de ses parents qui capte une radio anglophone de Montserrat. La chanson lui parle et la suivra toute sa vie.

Et Sanvé ? C’est la sanve, la graine de moutarde, nous précise Corinne Thimodent-Nabal qui a des étoiles dans les yeux en racontant comment cette graine, l’une des plus petites au monde, donne un belle arbre, avec des racines fortes et de belles feuilles.  

« GloaSanvé, c’est nous Guadeloupéens, qui apportons au monde notre Humanité », précise la fondatrice de la marque qui nous souligne qu’il était important que GloaSanvé ait cet « ancrage territorial avec l’association harmonieuse de tout ce qui fait notre force. »

Mais comment une marque de maroquinerie peut-elle réussir ce pari si ambitieux, tout en se positionnant sur un secteur luxe ?

Là, tout ne se passe pas uniquement dans le storytelling, ni seulement dans la symbolique. Avec GloaSanvé, tout est dans la démarche, le travail et les choix audacieux qui ont présidé à la création et de la marque et de chaque pièce : qu’une Guadeloupéenne décide de créer des chaussures, alors que nous n’étions accoutumés qu’à les importer et les consommer de façon passive, voilà le premier geste audacieux de Corinne Thimodent-Nabal.

Mais cela ne s’arrête pas là : l’asymétrie des lignes de ses chaussures n’est pas sans rappeler le fameux « bigidi », ce concept créole guadeloupéen si bien expliqué par la chorégraphe Léna Blou. Un mouvement perpétuel, dans la danse GwoKa, que l’on rapproche beaucoup à la geste (à tous les sens du terme) caribéenne créole, entre la posture debout et la chute. Dans la danse quotidienne qu’est la vie, le sujet oscille entre deux extrêmes et se bat pour ne pas tomber. Posture asymétrique que nombre de philosophes et d’intellectuels caribéens ont déjà pointé comme un signe spécifique et fort de résilience dans notre région de la Grande Caraïbe, avec toutes nos histoires de société postcoloniales.  

Et puis, il y a aussi ce motif si distinctif que l’on retrouve sur nombre de pièces de la marque, le « woulé lèspwa ». Sorte de mécanisme d’horloge qui s’enchaîne avec des colibris, des piments, des tambours et des étoiles de caramboles, cette « horloge du temps créole »raconte aussi, à sa façon ce que nous sommes et tout ce que nous pouvons faire.

Avec des chaussures GloaSanvé à ses pieds, riches de toutes cette démarche, « la femme GloaSanvé, elle se tient ferme, elle sait où elle va », martèle Corinne Thimodent-Nabal.