4 raisons de (re)voir « Insecure », la série afro-américaine qui parle aux Millenials

Written by on 25 avril 2019

Alors que la saison finale de « Game of Thrones » vient de débuter, posant ainsi moult de questions sur la stratégie que suivra HBO pour continuer à susciter l’intérêt des téléspectateurs après la fin de sa série star,  le chef de la programmation de la chaîne, Casey Bloys, vient de confirmer que la série « Insecure » d’Issa Rae, ne sera pas de retour avant 2020. Et ce, alors qu’elle avait pour habitude de prendre le relais de « Game of Thrones » depuis trois saisons, comme un « dérivatif ». En effet, la jeune afro-américaine créatrice du show a été particulièrement sollicitée ces derniers temps (actuellement à l’affiche de « Little » avec Regina Hall et Marsai Martin) , et son calendrier n’a pas rendu possible le tournage d’une quatrième saison pour cette série jeune, vitaminée et iconoclaste. En attendant le retour de cette série qui, avec subtilité et humour, désamorce nombres de problématiques rencontrées par les Afro-Américains dans une Amérique où le melting-pot semble être la norme, mais où les préjugés et le communautarisme sont monnaie courante, Caribbean Boss Lady vous donne 4 raisons de vous (re)plonger dans « Insecure ».

Quand le quotidien devient fiction 

Si l’on s’arrête aux deux ou trois premiers épisodes d’Insecure, a priori, l’on ne pourrait se douter du potentiel de la série tant le quotidien de la jeune Issa (Issa Rae) qui y est décrit semble d’une grande banalité : Issa, 29 ans, travailleuse sociale dans une banlieue noire/latino de Los Angeles, vit en couple depuis cinq ans avec son compagnon, Lawrence (Jay Ellis), qui tarde à lui demander sa main. Derrière ce couple qui semble parfait sous tous points de vue, des frustrations qui s’accumulent au fil des ans : une Issa qui croule sous le travail pour aider des jeunes élèves afro-américains et latino-américains à réussir à l’école malgré les déterminismes qui pèsent sur leurs familles et leurs lycées ; un Lawrence qui devient l’archétype même du loser après l’échec d’une application qu’il a lancée et qui, depuis, traine en pyjamas toute la journée et est devenu totalement inutile à sa compagne, au point même d’oublier l’anniversaire de celle-ci ; des non-dits, des ex qui sortent du placard, des tentations qui font oublier les frustrations…Au final, la banalité du quotidien est érigée en fiction par excellence et c’est précisément cette banalité du quotidien, dans laquelle tout un chacun peut se reconnaître, qui devient intéressant d’explorer au fil des épisodes. 

Issa Rae, talent à l’état pur

Issa Rae, c’est le talent afro-américain issu de la Génération Y qui monte. Âgée seulement de 34 ans, elle a écrit, produit et réalisé la web-série « Awkward Black Girl » (Une fille noire bizarre, ndlr), dans laquelle elle tenait aussi le rôle principal, et grâce à laquelle elle a été remarquée par des producteurs et la chaîne HBO qui lui a commandé une version télévisée d’Awkward Black Girl. Et c’est précisément cette adaptation pour la télévision qui a donné Insecure. Issa Rae, c’est une femme-orchestre, aux multiples talents que l’on découvre avec cette série : scénariste, réalisatrice, productrice, actrice principale, elle maîtrise chaque aspect de cette série qui casse nombre de représentations-clichés dont souffrent les Afro-Américains. Cerise sur le gâteau, c’est aussi une parolière hors pair qui écrit des textes de rap et qui exerce son art régulièrement dans la première saison. Son rap intitulé « Minou en panne » (Broken pussy en VO), au sujet de sa meilleure amie, avocate mais toujours célibataire à 29 ans, est un morceau d’anthologie ! Issa Rae est définitivement l’archétype de la Millenial qui ne se pose aucune barrière et qui explore tous ses talents. C’est peut-être aussi pour cela que cette série parle autant à la Génération Y, toutes communautés et appartenances ethniques confondues.

 

Le racisme ordinaire dénoncé

C’est assez rare qu’il convient de le souligner : Insecure est une série à grand succès et dont le casting est majoritairement composé d’Afro-Américains et de Latino-Américains. Par-delà les péripéties sentimentales d’Issa et de ses amis, nombre de situations et de configurations dans la série sont des occasions de non seulement dénoncer, mais aussi de désamorcer avec un humour grinçant et doucement intellectuel, le racisme ordinaire et ses manifestations les plus hypocrites et subreptices. Qu’il s’agisse de relations privées, entre membres de différentes communautés, ou encore de relations professionnelles, tout y passe. L’une de ces situations marquantes est à situer au niveau professionnel : Issa, alors qu’elle ficèle un projet pédagogique solide et voué au succès, pour un public de jeunes en difficulté, doit parer à une tentative de détricotage de son projet, menée par ses collègues WASP. Une attaque qui ne repose sur aucune donnée rationnelle, mais uniquement par le fait qu’une Noire qui réussit un projet, c’est forcément suspect pour certains. Situation désamorcée avec brillo par la jeune Issa, en appliquant l’adage américain « Kill them with kindness » – Tuez-les avec de la gentillesse. Une stratégie payante qui dénonce aussi au passage le préjugé de l’ « angry Black woman » …la femme noire enragée tellement utilisée à outrance dans la pop culture américaine. 

Une série féministe

Avec un personnage aussi moderne que celui d’Issa, et les défis qu’elle doit relever, Insecure ne pouvait être qu’une série résolument féministe où les femmes décident de (re)prendre le pouvoir dans leur vie tout en faisant mentir le sort. De plus, pour l’une des rare fois dans une série américaine à succès, la sexualité, telle qu’elle est explorée, est celle de femmes qui affirment leur côté sexuel et sensuel et discutent de leur désir sans ne laisser place à aucune forme de culpabilité. Une série à voir tant pour le fond que pour son esthétique. Chef-d’œuvre contemporain !


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